Mai 2010
Passer de la climatisation de l’avion à un bain de chaleur
voilà le premier contact avec le Vietnam et sa capitale Hanoï. En ce début
d’après-midi il fait 40°. Commence notre périple de 15 jours du Nord au Sud.
Cette année 2010 Hanoï fête ses mille ans. L’empereur Ly Thai
Tô en 1010, au septième mois lunaire, fonda ce qui allait devenir Hanoï. La vue
d’un dragon surgissant du ciel, heureux présage selon lui, l’incita à faire du
lieu sa capitale « Thang Long » la ville du dragon qui s’élève.
Pour quelqu’un de ma génération, le Vietnam évoque les
souvenirs liés à la guerre qui pendant 30 ans a meurtri la population, coupé le
pays en deux, infligé à la nature un cocktail mortel avec les bombes et les
défoliants chimiques qui encore aujourd’hui manifestent leurs effets sur les
corps et les sols.
Un conflit féroce, un bilan humain effroyable. Mais je m’apprête
à inscrire dans ma mémoire d’autres images et impressions libérées de ce lourd
passé. De toute façon, 2/3 des
vietnamiens sont nés après la fin de la guerre en 1975. Cela aide pour se
projeter en tournant la page du passé.
Au cours du séjour, j’ai pu constater l’étonnante capacité de
résilience du pays qui doit affronter des défis multiples, démographique,
économique, environnemental, touristique.
Mais avant tout je ressors de cette immersion au Vietnam
comme si j’avais changé de peau. J’ose jusqu’à utiliser le mot envoûtement. Et
je suis en bonne compagnie avec Marguerite Duras, Pierre Loti, Graham Greene,
Lucien Bodard, Ford Coppola et bien d’autres.
Alors un conseil. Allez-y. Laissez-vous prendre par le
vertige des paysages, des parfums multiples et enivrants des lacs urbains, des
marchés, des rues grouillantes de vie, des monuments chargés d’histoire et de
spiritualité. Laissez-vous emporter sur la queue du dragon mythique à la découverte
de ce pays qui déroule sa langue de terre sur plus de 1800 kms.
Une douche à l’hôtel amène un bienfait réparateur après la
nuit passée dans l’avion, l’attente à Kuala Lumpur et le trajet final vers
Hanoï. Madame et moi nous intégrons un petit groupe de français.
Hanoi a la particularité d’abriter des espaces verts et des
lacs urbains qui injectent une respiration bucolique en plein coeur de la
ville. Selon la culture vietnamienne le monde humain est indissolublement lié
au monde végétal et animal. La recherche de l’harmonie suprême est à ce prix.
La promenade autour du lac Hoan Kiem nous permet de remettre
en mouvement nos articulations, de bénéficier d’une certaine fraîcheur à
l’ombre des arbres.
La légende rode dans ces lieux, celle de l’empereur Le Thai
To ( Le Loi) qui à l’aide d’une épée donnée par une tortue vainquit
l’envahisseur chinois. L’épée n’était qu’un prêt consenti par la tortue d’or,
qui, lors d’une promenade en barque de l’empereur, surgit de l’eau et récupéra
son bien. Osons un aphorisme : ce que tortue donne elle le reprend.
Cet endroit, oasis de verdure en centre-ville, est très prisé
des habitants. Les familles s’y promènent, les adolescents y cultivent leur
émoi naissant, les personnes âgées jouent aux dames ou aux échecs, les jeunes
font du roller ou jouent au badminton.
Le lendemain matin, me glissant très tôt hors de l’hôtel je
m’y suis rendu en cyclo-pousse. La brume laissait traîner son manteau, nimbant
ce splendide écrin d’une vapeur romantique. Je me suis mis à contempler des
dizaines de personnes âgées s’adonnant au Tai Shi…Quelle sérénité ! Quelle
harmonie, maître mot lorsqu’il s’agit de qualifier le Vietnam…mais le temps
passa trop vite et je dus regagner mon hôtel pour le petit déjeuner.
Ce havre d’eau et de verdure accueille le temple de la
Montagne de jade ( Ngoc Son) dédié à un austère triptyque, un érudit, un
général et un médecin sans oublier l’essentiel, les génies taoïstes et
confucianistes... On y accède en empruntant un charmant petit pont de bois
vermillon puis une porte avec l’arche traditionnelle. Sur le pilier gauche, la
figure d’un tigre prêt à bondir. Mais il ne fait pas partie des animaux sacrés
au nombre de 4 : le dragon évidemment mais aussi la licorne, la carpe et
le phénix. Dans une salle une énorme tortue naturalisée découverte en 1968 dans
les eaux du lac semble nous dire « trouvez l’énigme » !
Serait-ce la tortue de la légende ?
J’aime la poésie des noms donnés aux édifices présents, la tour du
pinceau, le pavillon recevant la lune, le belvédère calmant les ondes…
Entre les allées et les salles les vietnamiens et les touristes
déambulent tranquillement. Je me répète mais quelle douceur, quelle quiétude,
quelle beauté, notamment ce cheval rouge aux traits d’une finesse inouïe.
Le crépuscule venu nous changeons d’univers. Place à la
vieille ville et à ses rues bourdonnantes, bruyantes, pétaradantes, colorées,
odorantes. Assis dans un cyclo-pousse nous nous insérons dans la circulation
anarchique où voitures, motos, vélos, charrettes, piétons cohabitent sans
énervement ni stress.
Les effluves des gaz d’échappement irritent rapidement les
yeux, encombrent l’arrière gorge, brûlent les poumons. Nombre de conducteurs ou
passagers de motos portent un masque. Mais l’expérience est intéressante. Elle
permet de s’immerger dans la vie d’une ville sans cesse en mouvement.
Les étals mordent sur la chaussée. A ma grande surprise, je
surprends des commerçantes astiquant certains fruits. Quelle en est la
raison ? Je pense aux étals de fruits de nos supermarchés qui semblent
sortir de la boutique d’une esthéticienne mais plus vraisemblablement il s’agit
ici de faire un brin de toilette pour enlever la poussière ou les dépôts issus des
pots d’échappement.
Des porteuses de palanches de leur allure légère et
sautillante se faufilent entre les étals et la circulation. Les noms de métiers d’une cinquantaine de rues
évoquent les rues de notre Moyen Age ou sur un autre registre les prénoms
africains témoins de la présence coloniale et de l’action des missionnaires
occidentaux venus évangéliser les populations. Noms de métiers mais aussi
d’outils, de fruits, de légumes : forgerons, teintures de la soie, tonneaux,
patates douces, cercueils ( !), encens, orfèvres, papiers votifs…
Le long des façades ou en travers des rues les fils
électriques s’entrelacent en formant de longues chevelures tressées ou
s’enroulent sur eux-mêmes formant des couronnes.
Une jeune mariée avec sa robe blanche froufroutante passe
devant moi montée en amazone sur une motocyclette. Charmante vue fugace.
Le soir, je fis une incursion pédestre dans la vieille ville.
Moyen de locomotion idéal pour se fondre dans l’ambiance et le cadre des
vieilles rues et des maisons aux styles bigarrés et biscornus. Mais attention
la traversée d’une rue s’apparente à un des douze travaux d’Hercule. Vigilance,
patience. Un conseil : traverser tranquillement et éviter la course ou les
pas précipités ! Mais je reconnais avoir eu quelques moments de doute…
Le lendemain place à la découverte de la ville. On peut
passer plusieurs jours à Hanoi, tant il y a à voir mais il faut aussi faire des
choix pour un séjour de 48 heures.
Le temple de la littérature, notre première visite, est un
havre de paix et de calme à l’abri du tumulte de la rue. Des groupes d’écoliers
et d’étudiants se pressent à l’entrée. On les retrouvera plus tard dans l’enceinte du vaste temple de près de 5
ha. Il est dédié à Confucius et à son enseignement. Créé en 1070, il était
destiné à l’instruction des enfants de mandarins mais l’enseignement s’est
ouvert à partir du XVème siècle aux enfants méritants même issus de familles
modestes.
Nous cheminons en passant d’une cour à l’autre au nombre de
5. Les groupes d’élèves sous la direction des enseignants ne sont pas toujours
attentifs aux explications données. Certains ont l’esprit ailleurs…ne leur
jetons pas la pierre. Nous avons eu, nous aussi, notre période d’inattention
scolaire !
Autour du puits de la Clarté céleste, un bassin d’eau carré,
82 stèles juchées chacune sur une tortue de pierre rendent hommage à des
lauréats universitaires depuis l’édification de la première d’entre elles en 1484.
Les témoignages de l’urbanisme issu de la présence coloniale
française sont encore nombreux. Nous nous dirigeons vers le palais présidentiel
et le mausolée Hô Chi Minh.
Tout d’abord place à l’oncle Hô. Son mausolée massif en granit
gris, des lignes verticales et horizontales, évoque la sobriété et la froideur
des bâtiments soviétiques. Il soulève
peu d’émotions esthétiques. Son intérêt est ailleurs dans la dévotion des
foules vietnamiennes qui viennent s’incliner devant le sarcophage de verre où
repose l’oncle Hô dans sa rigidité momifiée. Pauvre oncle Hô. Son souhait
d’être incinéré n’a pas été respecté. Comme Lénine, il a été momifié. Chaque
année il retourne à Moscou pour des soins de conservation. Les voyages forment
la jeunesse…
Le mausolée est fermé. Quelques groupes de vietnamiens font
des selfies, le visage en gros plan et le mausolée en arrière-plan dans sa
splendide solitude. Sa silhouette se détache d’autant plus que les alentours
sont vierges de toute construction concurrente. Le vaste espace est gazonné et
parcouru d’allées dallées sur lesquelles évoluent les touristes et visiteurs
vietnamiens.
Ce petit bonhomme à l’allure frêle mais à la volonté d’acier
vivait chichement.
Pour l’oncle Hô pas question de
résider dans l’ancienne demeure des gouverneurs de l’Indochine française
actuellement occupée par l’’actuelle présidence. Au passage j’apprends que ce
palais construit dans les années 1900-1906 est sur la liste des 13 plus beaux
palais mondiaux selon le magazine Digest. L’Elysée et le palais de Buckingham
n’ont qu’à bien se tenir !
Hô Chi Minh s’est fait construire une villa traditionnelle
sur pilotis dans le magnifique parc qui jouxte le palais présidentiel. Le
message politique m’apparaît limpide. Tourner le dos au témoin de la présence
coloniale française et assumer l’identité vietnamienne.
Déambulation agréable dans le parc. Endroit empreint de
sérénité. Quelques pavillons de couleur ocre se reflètent dans l’étang des
carpes. La carpe incarne la résilience et l’abnégation. HÔ Chi Minh en a fait
preuve. Ici, il devait puiser énergie et réflexion pour conduire le Vietnam à
l’unité, son grand objectif qu’il n’a pas connu, étant décédé en 1969, 6 ans
avant la victoire des troupes du Nord Vietnam.
Sa modestie et la sobriété de sa vie quotidienne
transparaissent dans la visite des lieux où il a résidé et travaillé. Quel
contraste avec les ors de notre République, en clair nos palais nationaux.
On ne pouvait pas quitter Hanoï sans une incursion dans une
fabrique de laque. Cet art très ancien
exige de la patience, du temps, du savoir-faire. Au départ c’est de la simple résine
de laquier mais en bout de chaîne ce sont des produits finis magnifiques,
portes, meubles, tableaux. Grattage, polissage, séchage, vernissage, les étapes
sont nombreuses. Depuis plusieurs années la mode est à la fabrication de
tableaux de nacre avec des coquilles d’œufs réduits en fragments que l’on colle
sur le support laqué. J’avoue que le résultat est bluffant. Depuis, je ne
regarde plus l’œuf dur que j’écaille de la même façon !
Le lendemain nous prenons la route vers la Baie d’Along. En
sortant de Hanoi, j’ai pu observer l’une des particularités de l’urbanisme
vietnamien, les maisons tubes. Ces habitations offrent une largeur de façade
minimale au profit d’une grande profondeur, des parallélépipèdes qui laissent
une impression mitigée. Tout ceci pour payer moins d’impôts dont le calcul est
basé sur le nombre de fenêtres en façade. Cela ne vous rappelle rien ? Cet
impôt révolutionnaire sur les portes et fenêtres en France. Que voulez-vous
qu’il arrivât. On occulta des ouvertures avec pour conséquences le manque
d’aération et de lumière. Parait-il que la bacille de Koch en profita pour y faire
des petits…faisant le nid de la tuberculose.
A la périphérie d’Hanoi, le territoire est un immense
chantier en devenir à voir les palissades dressées le long de la route sur des
kms. Il a pour vocation d’accueillir des activités économiques. Les
investisseurs chinois sont présents. Le coût de la main d’œuvre chinoise
augmentant on délocalise vers le Vietnam, pays à bas coût et où la population a
une tradition de travail forte. Mais des projets immobiliers se développent
aussi. Un grand panneau dévoile le projet moderne – la maquette est très éclairante- d’une grande
gare de bus.
Après 3h de route et sous une pluie de mousson on arrive à la
baie d’Along dans le quartier de Bai Chay où se concentrent hôtels et
restaurants.
8h. Nous embarquons à la découverte de cette 8ème
merveille du monde inscrite depuis 1994 au patrimoine mondial de l’Unesco. Tout
au long de la journée nous rétines vont être sans cesse sollicitées par un
paysage fabuleux, fantasmagorique. Il est vrai que la légende du lieu diffuse
un parfum de l’au-delà. Celle du dragon qui a utilisé sa queue comme une
moulinette géante pour creuser des vallées, fissurer le sol en laissant
derrière lui des crevasses et des pitons. Puis, de toute sa masse il plongea
dans la mer qui en se précipitant dans les creux et anfractuosités dessine
aujourd’hui un spectacle singulier, celui d’une gigantesque mâchoire édentée ou
plus poétiquement celui d’une dentelle qui se déploie à l’horizon. D’où
l’origine du mot Ha Long, « là où le dragon descend dans la mer ».
Osons une explication moins romantique ou poétique. Ce
paysage à la beauté tourmentée a été façonné par l’action conjuguée à l’échelle
géologique de l’érosion provoquée par la mer et de la corrosion karstique. Sur
plus de 1000km2, des milliers d’îles, d’îlots, de récifs se dressent au-dessus
d’une eau calme, légère, lisse, veloutée.
Ce n’est pas un voyage à la Jules Verne mais presque. Comme
un fondu enchaîné, les pains de sucre défilent, épousant un large spectre de
nuances, de teintes, du gris pâle au noir profond. Parfois s’y incruste un bleu
dur en provenance d’un piton fier comme Artaban. Les nuages et l’astre du jour
s’invitent aussi pour peindre des couleurs changeantes sur la surface liquide
et la mâchoire minérale.
Sur les pitons chevelus, les parois qui tombent abruptement
dans la mer laissent peu de prise pour qu’un arbre puisse s’y accrocher. Mais
je me dis que cette végétation parfois touffue devrait recéler des plantes
médicinales…avec des molécules qui pourraient faire avancer la recherche
médicale ou constituer un remède efficace contre le cancer…
Beaucoup de pains de sucre ont des noms. Les français sont
passés par là, cette manie de nommer tous les lieux de la terre colonisés par
Miss France coloniale ( la nouvelle Miss France tahitienne ne m’en voudra
pas !).
Imagination ou mauvais goût …Bonnet phrygien, Eléphant à
genou, Buffle sur le dos de la tortue, la Poule couveuse, l’Encrier, la Chimère
( !).
Je m’attendais à voir des jonques aux grandes voiles en ailes
de papillon striées voguer sur ces eaux. Très peu en réalité. Mais un navire
imposant destiné au tourisme arbore fièrement ce type de voiles. Des
embarcations accostent les bateaux à touristes pour proposer toute une série de
fruits exotiques, des barques à moteur filent traçant un sillage bref derrière
elles.
Une vietnamienne mère de 2 jeunes enfants à bord d’une
chaloupe nous propose des fruits. Devant cette souriante sollicitation je me
laisse tenter par la pitaya rouge, riche en antioxydants…mais avec aussi des
propriétés laxatives. Prudence. Mais je ne regrette pas d’avoir goûté pour la
première fois ce fruit méconnu qui se mange comme un kiwi.
A l’aplomb des falaises, des vietnamiens vaquent à leurs
occupations sur leurs maisons flottantes.
Bain de soleil, de nuages rapides, de paysages, de pitons,
d’air humide et chaud.
Parfois le regard accroche l’entrée d’une grotte au ras des
flots. Elles sont légion. Pendant la guerre elles ont abrité la guérilla
nord-vietnamienne. Cette baie magnifique a été un théâtre de conflits… mais
aussi de tentatives de paix. En juin 1948 les accords de la baie d’Along entre
le Haut-Commissaire de la république d’Indochine et le Président du
gouvernement provisoire du Vietnam ont suscité des espoirs. En vain, ils
resteront lettre morte.
Un périple en baie d’Along c’est aussi pénétrer dans les
entrailles du dragon, en l’occurrence dans l’une de ces grottes creusées au fil
des milliers d’années.
La grotte de la
Surprise est l’une des plus connues et fréquentées. On y accède en grimpant une
cinquantaine de marches. Le souffle court, on se retourne pour admirer le
panorama avant de s’enfoncer dans le monde minéral.
Les parcours sont balisés, un éclairage invisible baigne les
parois. Univers féerique, jeux sophistiqués de lumière, de couleurs. Quel est
le peintre qui nous offre une telle palette de nuances, de couleurs ? Quel
est le sculpteur qui, délaissant les stalactites et stalagmites dont dame
nature en a fait une production industrielle depuis la nuit des temps, a créé
ces formes originales, biscornues, parfois suggestives avec ce phallus émergeant
du bas ventre d’une paroi ? Pudique, je vous fais grâce de la photo !
L’homme s’invite aussi pour créer des visions étonnantes.
Ainsi une file de touristes vietnamiens évoluant sur fond de parois éclairées
se fige en silhouettes somnambuliques.
Nous retrouvons la lumière du jour, nous trempons nos pieds
et nos jambes dans l’eau douce d’une plage sableuse, nous faisons une moisson
d’odeurs, de sensations, d’émotions, de
spectacles avant de regagner notre port d’attache. Une journée à vivre
intensément.
Quel est l’avenir de cette magnifique baie ? Elle
attire légitimement un nombre croissant de visiteurs. Il faut trouver le moyen
de la protéger. En régulant l’accès ?
Le soir changement de décor, celui d’un compartiment à quatre
couchettes qui nous accueille pour la nuit. Destination Hué, l’ancienne
capitale impériale inscrite au patrimoine culturel de l’humanité par l’Unesco,
située à 700kms.
Hué évoque pour moi, bis repetita, la guerre du Vietnam,
l’offensive du Têt, qui en 1968 provoqua de violents combats pendant plusieurs
semaines, des destructions massives, des milliers de morts. J’avais 20 ans et
les images télévisées d’alors restent gravées dans ma mémoire. L’assaut des communistes et du vietcong a été
déclenché lors de la fête du Têt, la grande fête du passage au nouvel an
lunaire. L’effet de surprise a été total.
Hué revit tentant de retrouver son lustre d’autrefois. Sous
l’impulsion de l’Unesco des travaux importants de rénovation ont été entrepris.
C’est un rendez-vous incontournable pour le tourisme. Hué, construite de part
et d’autre de la célèbre rivière des parfums, offre des atouts incomparables,
notamment au niveau du patrimoine historique : la Cité impériale certes
mais aussi les tombeaux des empereurs, la pagode de la Dame céleste sans
compter les musées.
La cité impériale est ceinte de hauts murs construits à la
Vauban entourés de douves. 2 heures au minimum doivent être consacrées pour
déambuler dans ce vaste espace. Mais vous pouvez y rester 2 jours pour goûter
l’ensemble de ses charmes. Mais attention, la visite dans ce vaste espace sous
la chaleur fatigue vite les organismes. Bouteille d’eau et pauses sont à
prévoir.
Les dimensions de la citadelle sont impressionnantes, une ville dans la
ville : 10km de périmètre, des murs de 5 à 6 m de hauteur, 20m
d’épaisseur, 10 portes d’entrée. Malheureusement les guerres et notamment l’offensive
nord-vietnamienne de 1968 ont détruit des dizaines de monuments. La végétation
a envahi certaines parties de la cité même si des rénovations sont en cours
depuis des années.
C’est un système de poupées russes avec 3 zones. La ville
impériale ou citadelle, en son sein la cité impériale, elle-même abritant la
cité pourpre interdite. On le devine cette dernière est réservée à l’empereur,
la famille impériale…et les concubines qui se comptent par dizaines. A votre
santé empereur !
L’entrée la plus usitée est celle de la porte du Midi ( Ngo
Mon). 3 portes centrales dont celle du milieu réservée à l’empereur, 2 portes
latérales. Le soubassement en granit est massif. Mais en levant les yeux on
aperçoit une merveille d’architecture, la tour de garde ou des 5 Phénix, une structure
en bois où l’empereur apparaissait lors des grandes occasions.
Cette porte franchie dans son axe on emprunte le pont des Eaux
d’or qui s’ouvre sur le palais de l’Harmonie suprême. Ce superbe bâtiment de
44m de long avec les traditionnels dragons mythiques se dressant sur le toit
abrite la salle du trône, d’une superficie de 1400m2. 80 colonnes de bois peintes
en rouge vif exhibant des dragons dorés dans les nuages supportent l’édifice.
Le trône est juché sur une plateforme. Au-dessus on observe
un dais en bois finement ciselé et sculpté avec des motifs de dragons.
Je ferme les yeux. Je me transporte lors du règne de Gia
Long, le fondateur de la dynastie des Nguyen en 1802.
Je suis un haut mandarin, invité privilégié avec les membres
de la famille impériale. Le front baissé, j’évite de porter mon regard vers
l’empereur. Son visage figé en impose sous le chapeau aux neufs dragons. J’ose
néanmoins en soulevant les paupières à glisser mon regard le long de sa robe
tissée d’or…J’assiste à une cérémonie organisée en l’honneur de l’anniversaire
de l’empereur mais je suis obligé aussi d’être là pour les cérémonies
mensuelles qui ont lieu deux fois par mois. Dure condition que celle du
mandarin…
Mais je me réveille. Après ce moment de lévitation vers le
passé je capture la salle du trône sur la carte mémoire de mon appareil de
photo.
Derrière ce bâtiment on pénètre dans la cité pourpre
interdite mais elle a été dévastée par les guerres et notamment par les
bombardements en 1968.
Nous naviguons entre les palais, les temples, les lacs, les
canaux, les portes parfois magnifiques, les jardins. Les palais de la longue
sécurité, de la longévité, de la Reine mère…Les temples de la Résurrection, du
culte des neuf seigneurs Nguyen, du Culte des ancêtres… Les pavillons de la
Bienfaisance, du Bateau, de lecture…Quand on pense au nombre de bâtiments
disparus, détruits, en ruine...
Surgis du passé des photos noir et blanc d’époque offrent le
visage des derniers empereurs sans grand pouvoir depuis que la colonisation
française a posé son étreinte sur le pays. En 1885, les français à Hué ont eu
une attitude de forbans, brûlant et pillant la citadelle.
La tête lourde et les jambes flageolantes ont raison de nous.
Nous quittons cet endroit car à trois kms d’ici la pagode Thien Mi, plus connue
sous le nom de la Dame Céleste nous attend. Nous empruntons une embarcation à
tête de dragons sur la rivière des Parfums. Mes narines ne captent pas
d’effluves parfumées. Mais il est vrai que les plantes médicinales ont déserté
ses rives et ce n’est pas la saison de la
floraison des arbres fruitiers.
Du débarcadère nous gagnons le haut de la colline, le souffle
court car l’escalier est raide et certaines marches sont hautes.
Un groupe de vietnamiens se prend en photo avec en
arrière-plan la pagode de la Dame céleste.
De forme octogonale construite en 1841 elle compte sept
niveaux correspondant aux réincarnations successives de Bouddha jusqu’au
nirvana.
La Dame céleste l’avait prédit près de 3 siècles auparavant.
Cette vieille dame annonça que celui qui construirait en ces lieux une pagode
fonderait une dynastie puis elle disparut dans les hautes sphères d’où on ne
revient pas.
Peu de monde. L’endroit est tranquille. Nous croisons dans le
jardin aéré où quelques bonsaïs prennent le frais quelques moines qui vivent
ici.
Le temple principal ou temple du Grand Héroïsme abrite un
Bouddha doré gonflé à l’hélium…et hilare. Surprenant. Il faudra que je relise
mes classiques selon lesquelles les figures de Bouddha étaient plutôt
énigmatiques…
Derrière l’autel trois Bouddhas énigmatiques symbolisent les
figures du passé, du présent et du futur.
Une stèle raconte l’histoire des lieux. Curieusement elle se
dresse sur le dos d’une énorme tortue qui, est, comme on le sait, symbole de
longévité.
Mais je ne m’attendais pas à rencontrer un célèbre épisode de
l’histoire du Vietnam, celle du bonze Thieh Quang Duc qui s’immola par le feu
en 1963 pour protester contre les décisions liberticides prises par Diem.
A l’époque, les images firent le tour du monde. Le moine en
position de prière, l’essence qu’on asperge, les flammes s’emparant brutalement
de son corps qui lentement comme dans un film au ralenti bascula sur le dos, la
mort survenant vite et rigidifiant les bras se dressant vers le ciel comme un
ultime appel à rejoindre l’éternité. Sa voiture une Austin rouillée qui l’avait
amené de Hué à Saigon est exposée.
Les tombeaux sont nombreux dans la région de Hué. Allons
rendre visite à l’empereur Tu Duc dont le mausolée se situe à 5km au sud de
Hué dans un lieu paisible, végétalisé et arboré. Un lieu de promenade
parmi les nombreux bâtiments, autour des pièces d’eau, à l’ombre des arbres,
bref un parc d’agrément que l’empereur conçut comme tel.
L’empereur aimait s’y réfugier fuyant les difficultés de sa
tâche pour s’adonner à son activité favorite, l’écriture de poèmes…sans pour
autant délaisser ses 102 épouses et ses nombreuses concubines. Quelle vigueur…mais
sans résultat sur le plan de sa descendance. Il dut en concevoir amertume et se
replier sur lui-même en dépit de ses 35 années de règne, le plus long de la
dynastie Nguyen ( 1848-1883).
Nous avons pris plaisir à évoluer dans ce vaste espace. Nous
y accédons par un portique à trois portes dont celle centrale est fermée en
raison de la mort de l’empereur.
Le pavillon sur pilotis Xung Khiem est propice à la rêverie.
Un panneau annonce que c’est ici que l’empereur prenait le frais, contemplait
le site et composait des poèmes…mais ses concubines n’étaient pas loin. La
poésie fait bon ménage avec l’amour. Notre Ronsard national ne me démentira
pas.
Nous foulons le sol du temple Hoa Khiem dédié au culte de
l’empereur, nous traversons la cour d’honneur jalonnée de statues de mandarins
civils et militaires, de chevaux, d’éléphants qui nous mène au pavillon de la
Stèle. Figurez-vous que l’empereur - on n’est jamais mieux servi que par
soi-même - rédigea lui-même son épitaphe, près de 5000 idéogrammes pour évoquer
sa vie, ses amours, son règne, ses tourments...Et oui la France commençait à
lui tailler des croupières et ses frères à
lorgner sur son trône.
Une dernière chose sur Hué la capitale culturelle. Si vous en
avez la possibilité, allez chez un disquaire et laissez-vous tenter par la musique
de cour et les chants de Hué. Certes, c’est une musique aristocratique mais elle
permet de mieux comprendre la finesse et la richesse de cette culture.
Le trajet vers Danang et Hoi An traverse un paysage de
rizières où buffles et paysans sont au travail et de zones de pêche. Quelques
zones maraîchères s’y incrustent. Parfois quelques tombes ou des cimetières
affirment une présence étonnante à l’écart des villages intégrés dans le milieu
naturel ou au sein de terres cultivées.
Nous faisons une pause au bord d’une grande étendue d’eau,
sorte de lagon adossé à de hautes collines. De grands filets de pêche à la mode
chinoise sont suspendus au-dessus de l’eau. Des barques rondes comme des
coquilles de noix, les bateaux paniers, attendent leur propriétaire. L’une
d’entre elles héberge un vietnamien penché sur l’eau qui miroite au soleil il surveille
son élevage d’huitres. En effet, des rangées de perches fines émergent de
l’eau. Elles délimitent des zones d’élevage d’huitres.
Je compris le pourquoi de l’amas de jantes et de pneus usagés
gisant sur le bas-côté de la route. Les pneus servent de collecteurs pour les
huitres. Judicieux recyclage. Mais l'ingéniosité vietnamienne n’a pas de
limites.
Une femme accroupit à l’asiatique ouvre à l’aide d’un couteau
rouillé à large lame des huitres. Des cadavres de coques s’amoncellent autour
d’elle. A proximité, un homme découpe dans les pneus des tranches de caoutchouc,
futures réceptacles d’huitres.
Surprenant, ces cerceaux de caoutchouc issus de vieux pneus
disposés sur la route comme un immense jeu de marelle. Est-ce pour les aplatir par
les roues des camions, bus ou véhicules ou pour leur faire prendre un bain de
soleil sur l’asphalte surchauffé ?
Puis la route s’élève. Elle est très empruntée et non sans
risques par des files de camions. Elle serpente en virages serrés jusqu’au
fameux col des nuages à une altitude de 496m. Ce col est une frontière
climatique entre le Nord et le Sud. C’est un passage et un arrêt obligés pour les
touristes et les adeptes du road trip en moto et plus rarement en vélo.
Ce lieu offre en définitive peu d’intérêt à part, si les
nuages le permettent, un point de vue sur la baie de Danang. Les ruines des
fortifications sont bien présentes comme des témoins de l’histoire stratégique
du lieu mais bon…
3 jours à Hoi An. Le programme : repos, farniente sur la
plage face à la Mer de Chine méridionale, promenades dans les vieilles rues ou
en bicyclette dans les chemins et rizières proches.
Dans le passé le ville de Hoi An a été un grand port qui à la
suite de l’ensablement a perdu son statut. Mais elle garde une tradition issue
de sa position sur l’ancienne route maritime de la soie.
Pour preuve cette fabrique de soie que nous visitons, l’occasion
d’en savoir plus sur la sériciculture. Une vietnamienne parlant français
explique les différentes phases de la culture du ver à soie. On y apprend l’appétit
des chenilles qui dévorent un volume impressionnant de feuilles de mûrier, la
transformation en cocons puis son dévidage en un fil solide et ininterrompu
pouvant atteindre une longueur de 700 à 1000m, l’enroulement des fils sur un
dévidoir puis le montage sur le métier à tisser. La broderie à la main
s’effectue sur 1 ou 2 faces. Le travail est minutieux et requiert un long
apprentissage de la technique.
Sur deux rangées les brodeuses, la plupart jeunes, penchées
sur leur ouvrage officient sans nous prêter attention. Des vêtements sur mesure
en soie sont proposés. Je renonce à la prise de mesures sur mon corps de
sexagénaire. Mais il est vrai que je suis peu réceptif ou attiré en matière de
textile…et d’alimentation ( ce n’est pas très français je l’avoue).
Visite d’une fabrique de bâtonnets d’encens. Surprise, pour
un produit très utilisé de manière quotidienne, notamment pour disposer sur
l’autel des ancêtres, les vietnamiens utilisent des couleurs chatoyantes et
vives. Culte du beau et de l’esthétisme.
Hoi An est un bourg d’un charme suranné mais authentique, à
l’égard du temps, ayant été préservé de la fureur de la guerre. Nous avons
passé ici des moments délicieux et contre toute attente sans la foule des
touristes qui parcourent les rues et ruelles pour visiter, moyennant des
tickets d’entrée, les maisons communales, les vieilles demeures centenaires,
les temples et pagodes, les musées.
Le pont couvert japonais est installé depuis plus de 400 ans.
Un pont c’est un moyen d’entrer en communication, de nouer des liens, de faire
du commerce…ou alors on construit un mur. Ce pont est un symbole car il a
permis à la partie japonaise de la ville d’entrer en relation avec la partie
chinoise. Des ponts oui…mais des murs…
Lieu idéal pour la flânerie dans les rues préservées de la
circulation. Profiter le soir de la magie des lampions et des lanternes en soie
qui illuminent la ville, goûter à la cuisine vietnamienne dans un restaurant au
bord de la rivière Thu Bon.
Un soir en sortant du restaurant traditionnel vietnamien au
menu sans prétention nous avons profité de « la nuit légendaire de Hoi
An » qui se déroule chaque mois la nuit de la pleine lune. La ville est en
lumière. Les habitants sont dans les rues. Sur la rivière des formes enluminées
se dressent, poissons, tigres, embarcations. Des jeux sont organisés autour
desquels des groupes se pressent.
Nous avons regagné l’hôtel avec un bus local, la tête pleine
d’images et d’odeurs.
Entre pagodes, temples, maison communales et vieilles
demeures, il faut faire un choix si le séjour n’excède pas 2 à 3 jours.
Nous avons visité le temple Quan Cong, une maison communale
et une vieille demeure très connue, la maison Tan Ky. Cela suffit selon nous.
Elles sont en général construites de la même manière.
Nous avons le privilège de résider à l’hôtel Victoria au bord
de la plage Cao Dai située à 5kms à l’est de Hoi An. Nous avons donc organisé
nos 3 jours entre plage et immersion dans Hoi An.
La plage tranquille est quasi déserte en semaine. Mais le
week-end il y a foule. Les familles et les jeunes viennent pique-niquer,
s’amuser, flirter, se baigner. Nous avons partagé ces moments en fréquentant
les restaurants locaux et en nous mêlant à la population au bord de la plage. Avec
curiosité nous assistons à une séance de tir à la corde entre filles sous le
regard amusé et les rires des garçons.
Ce soir sur la plage nous rêvassons
devant le coucher de soleil sur le Mer de Chine.
Demain vol vers Ho Chi Minh ( ex
Saigon) et le delta du Mékong.