Bena, village mégalithique à Florès…et plus dure sera la chute !
- par websitebuilder
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- 21 janv., 2018
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9 h, départ de Bajawa. Au programme la visite du village mégalithique de Bena et baignade dans les sources thermales chaudes de Mengemuda.
L’air est translucide, le bleu du ciel renforce le contraste avec la végétation riche, généreuse. De temps en temps une fenêtre s’ouvre sur le volcan Inerie, imposant du haut de ses 2245 m et attirant les touristes trekkeurs.


Je demande à Marcus, le chauffeur, de me laisser marcher jusqu’au village distant de 3 kms. Je le rejoindrai là-bas.
Je savoure ce moment paisible et ce paysage mixant saveurs tropicales et senteurs alpines. Seul, je longe la route, je respire l’air vivifiant, je prends mon temps, je lâche la bride à mes sens trop souvent corsetés par la ville.

Une bambouseraie fait de l’ombre à la lumière éclatante. Ce cortège de hauts bambous m’accompagne quelques instants. De cette bambouseraie une musique semble s’en échapper, celle produite par les bambous qui s’entrechoquent. Eh, oui, pour cette orgueilleuse forêt de bambous rien n’est impossible en se transformant en instrument de musique géant, tel l’Anklung traditionnel indonésien.
Rappelons que cet instrument, très présent, notamment à Bali, est constitué de 2 à 4 tubes de bambou que l’on agite latéralement. Ici le vent se substitue à la main humaine. Sacrée dame nature.
Je lève les yeux un peu inquiet, mon cerveau reptilien de gaulois me rappelant que le ciel peut tomber sur ma tête, mais nulle crainte, le vent est faible, caressant.

Puis, au détour d’un virage, c’est le choc visuel. En contrebas à quelques centaines de mètres se déploie un espace étrange, ramassé sur lui-même avec deux lignes de constructions se faisant face : nous sommes en présence du village traditionnel de Bena, le plus connu et le plus visité de la région.
Situé à une quinzaine de kms de Bajawa et dominé par le volcan Inerie ( protecteur, il représente la figure de la mère), Bena abrite 9 clans, 120 familles pour une population d’environ 330 habitants.

Cet espace de 3 ha est codifié, ne laissant pas de place au hasard ou à l’improvisation car il est régi par un système coutumier remontant à des lustres. On parle de 1200 ans d’existence, c’est dire, la légende affirmant qu’il a été créé par 10 hommes et 8 femmes d’où le nombre de 18 habitations de base.
Le village apparaît désert ce matin. Il est 10 h, les hommes travaillent aux champs.
Restent les enfants, les personnes âgées et les femmes qui pour certaines tissent le fameux tissu Ikat.
L’atmosphère est particulière. L’image de Tanganan, le village animiste de Bali s’imprime sur ma rétine.
Sur un fond animiste (adat, coutume en indonésien) se superpose un catholicisme récent (agama, religion). La statue d’une Vierge Marie en témoigne qui, sur un promontoire, à l’opposé de l’entrée du village, s’ouvre sur un large panorama.

J’inscris mon nom et ma nationalité sur un registre mis à disposition à l’entrée du village. Au 3 juin 2008, je suis le 805ème visiteur depuis début janvier. Hier deux néerlandais avaient apposé leur graphe.
Le village fait un peu plus de 70m de large sur un peu moins de 400m de long.
Le bois, le bambou, le chaume imposent leur domination que ce soit pour les maisons avec leur haut toit de chaume effilé prolongé par un auvent en bambou ou les deux constructions à signification rituelle, soit ayant la forme d’un parasol soit d’une maison miniature.
Chaque clan en possède une paire.
Le Ngadhu, parapluie déployée le long d’un mât de 3 m de haut en bois dur sculpté symbolise le monde masculin dans sa férocité et sa virilité. Au sommet une figure guerrière efface toute ambiguïté…


Ces deux édifices obéissent à un même objectif, assurer le lien entre les ancêtres et le monde des vivants, assurant ainsi la continuité et la pérennité du clan.
On qualifie habituellement ce village de mégalithique. Même si ce terme fait partie du langage marketing à destination des touristes, il renvoie aux espaces sacrificiels. Des stèles se dressent comme des menhirs autour de tables de pierre comme des dolmens. Le menhir symbolise l’homme et la table la femme. Pour certains esprits dont la pensée pourrait vagabonder surtout ne pas y voir de connotation sexuelle…mais sur ces autels des buffles et des porcs passent de vie à trépas lors de sacrifices rituels.

Les crânes et mâchoires iront garnir le devant des maisons, non comme des trophées mais en l’honneur des ancêtres du clan.


De même, ce n’est pas notre bon vieux Obélix qui a transporté ces mégalithes mais d’après la légende c’est l’œuvre du géant Dhake…on n’en dira pas plus.
La structure sociale repose sur le matriarcat, les terres se transmettant de mère en fille.
L’homme qui se marie avec une femme d’un autre clan quitte le sien mais il y retourne si son épouse décède.


La pratique, même non maîtrisée de l’indonésien permet de dialoguer avec les habitants et de poser des questions sur le village, l’organisation sociale, leur vie quotidienne. C’est ainsi qu’une femme m’invite à boire un thé. Âgée de 56 ans, elle a eu 8 enfants.
En général dans le village, la moyenne tourne autour de 6 enfants. La dernière, 8 ans, l’aide au tissage. Une vieille femme, ramassée sur elle-même et indifférente à son environnement mâchonne du bétel qu’elle projette en longs jets rougeâtres voire jaunâtres sur le sol poussiéreux. C’est la grand-mère de la petite fille. Agée de 81 ans, elle est aveugle. Tentant de lui adresser quelques mots, elle reste immobile dans une attitude mutique. Sa fille m’explique qu’elle ne comprend ni ne parle l’indonésien mais s’exprime uniquement dans le langage local, le Nga’dha.


Plus loin, j’engage une conversation avec une autre villageoise assise devant son métier à tisser. Elle m’affirme qu’elle met un mois à achever la confection d’un ikat qui sera vendu 50 000 roupies (3,5 euros au cours 2008). Je connais la signification du mot (verbe nouer, lier en indonésien) mais j’avoue que je n’ai pas tout compris des explications données. Apparemment, il y a plusieurs étapes dont celle délicate de la préparation et la teinture du fil mais même avec ma bonne volonté la technique du tissage reste pour moi encore une terra incognita !


Je n’ai pas eu conscience du temps qui passait. Marcus s’est
impatienté. Il est venu vers moi me rappeler que j’étais là depuis 3 heures et
qu’il fallait repartir si on voulait continuer le programme que nous avions
fixé en commun.


2ème étape. Plus dure sera la chute dans les eaux sulfureuses !
Je me faisais un plaisir d’abandonner mes vieux os au contact des sources thermales de Mangemuda. Je m’attendais à rencontrer quelques touristes attirés par ce spa naturel mais comme à Bena et Wogo personne. Je néglige ce qui fait office de vestiaire pour m’approcher d’un bassin circulaire entouré d’une pente pierreuse.
Ce qui devait arriver arriva. Je descends cette pente comme si j’abordais une descente en vélo après le sommet d’un col. Je bascule tout habillé dans les eaux chaudes. Marcus qui pressentait une catastrophe (il avait appris à me connaître …) m’avait suivi et attrapa dans un réflexe incroyable la bandoulière de mon sac photo qui pendait à mon bras droit.
Ouf…mais j’avais oublié que je portais - comme la tortue sa maison- dans mes poches de pantalon toute ma richesse : des liasses de billets de 50 000 roupies (4 euros, valeur 2008) soit 300 euros, mon passeport, ma carte de crédit, mon téléphone portable, mes billets d’avion ( nous n’étions pas encore à l’heure du billet électronique).
J’étalais le tout sur le sol. Marcus avec sa serviette tente d’éponger et d’essuyer les billets et le passeport. Des enfants et quelques adultes s’approchent. Marcus tente de les éloigner. La vue des billets étalés sur le sol l’inquiète.
Je décide néanmoins pour ne pas accroître ma frustration de glisser dans l’eau bénéfique pour mes os, mes douleurs et ma peau vieillissante de senior. Délicieux. Le bien être m’envahit.
Le retour sur Bajawa est un peu épique. En slip, et pour cause, par la fenêtre ouverte, je tente de sécher les pages de mon passeport en l’agitant face au vent. Il est 17h, la fraîcheur me fait frissonner. Marcus tout en conduisant jette des regards inquiets sur cette idée saugrenue d’exposer mon passeport ainsi, au risque qu’il s’envole…
Dans la chambre de l’hôtel, j’étale tous les billets sur le sol, ma valise, la table de chevet. Le téléphone est inutilisable et cerise sur le gâteau, le quartier est privé d’électricité.

A l’hôtel, un jeune employé de l’hôtel plein de bonne volonté met la carte SIM sur son téléphone. Le diagnostic est vite fait. Il est inutilisable.
A 19h30, avec ma lampe de poche je déambule dans le bourg plongé dans l’obscurité. Je mange dans le même endroit que la veille. Les lampes à pétrole diffusent une pâle lumière. Le patron sympa actionne régulièrement la lampe pour relancer la luminosité. On discute. Il me désigne un article sur un journal du coin qui évoque l’équipe de football de la France. Domenech et Zidane s’invitent ainsi autour d’un nasi goreng et d’un verre de thé.
On n’éteint pas les feux, et pour cause, mais les paupières se ferment vite. Lire ou écrire est exclu, je dois économiser les piles de ma lampe de poche.
Fin de cette journée un peu mouvementée.
Brève incursion dans un village traditionnel aux environs de Moni
Très tôt le matin j’avais contemplé le lever du soleil sur le volcan Kelimutu. Dans la journée, Marcus me propose d’aller visiter un village qu’il connaît très bien. En réalité, Marcus voulait m’entraîner là où il a l’habitude d’emmener les touristes qu’il lui arrive de véhiculer…moyennant quelque rétribution.
Plus tard après la visite, je lui signalerai que je n’étais pas dupe de sa démarche !
Mais je n’ai pas été déçu car j’ai pu passer un moment à discuter avec Maria, la fille du chef du village.
Arrivé au village, Marcus me conduit directement vers une habitation avec un haut toit de chaume descendant très bas comme un bonnet glissant jusqu’au nez. Maria m’accueille devant la maison.

A son invitation, je me déchausse et me plie en deux pour franchir le seuil de cette porte d’une hauteur de 1m30.
Les lieux invitent au silence, au recueillement. Immobilité, authenticité, simplicité. Depuis des lustres, cet endroit est dédié aux cérémonies, à l’exercice des rituels.

Je me concentre sur les explications de Maria. Son débit est rapide et je dois l’interrompre plusieurs fois par mes questions et mes demandes d’éclaircissement.
Deux fois par an, en avril et en octobre des fêtes religieuses se déroulent à la fois dans cette maison et à l’extérieur sur la place ensoleillé où actuellement une villageoise s’active autour de son métier à tisser.
Danse, musique, sacrifices de buffles accompagnent les cérémonies. Un petit gong et deux tambours, recouverts d’une mince pellicule de poussière sont disposés dans un angle de la pièce attendant d’officier dans 4 mois pour la prochaine manifestation religieuse.
Au centre de la pièce un panier est suspendu. Son rôle est de recueillir les offrandes. C’est le père de Maria qui officie lors des cérémonies.


C’est aussi dans cet endroit que les nouveaux nés subissent ce que j’appellerai le « test des larmes ». Il consiste à hisser le nouveau-né sur une plateforme. Si dans les 5 minutes, on entend l’enfant pleurer avec des larmes coulant sur le visage, le test est paraît-il concluant. Bizarre. L’enfant intègre le clan sociétal. Sinon, il suit un parcours dont je n’ai pas vraiment compris les contours. Curieuse coutume.
Assis devant la maison nous buvons un café. Puis, je m’y attendais, elle me propose d’acheter des tissus traditionnels confectionnés notamment par la vieille dame, âgée de 67 ans et qui est sa mère.
Je lui adresse quelques mots. Sa mère, le visage concentré ou fermé me fixe sans répondre.


Les pièces d’Ikat que Maria me montre sont chères (150 000 roupies pièce soit 12 euros). Mon appréciation relative au prix est nourrie de la connaissance de tarifs pratiqués dans d’autres villages (à Bena, 50 000 roupies par exemple) mais je n’ai pas le cœur à marchander. J’en achète une.

Quelques semaines après j’ai envoyé à Marcus les photos que j’avais prises, à charge pour lui de les donner à Maria lors d’un prochain passage.
Lors du retour à l’hôtel Marcus a évoqué le tremblement de terre et le tsunami de décembre 1992 qui ont détruit une grande partie de Maumere où il habite.
Ses propos étaient encore imprégnés par l’angoisse et la peur qu’il a pu vivre à l’époque. Il a relaté sa course éperdue en moto pour rejoindre sa maison craignant pour sa femme et ses deux enfants qu’il a trouvés sains et saufs mais devant une habitation durement touchée par le tremblement de terre d’une magnitude de 7,8. Il m’a décrit le chaos de cette ville dévastée.



Le quartier hippie
Notre road trip a commencé à San Francisco, ville marquée dans notre imaginaire collectif par le « Summer of love » de 67 et je me suis demandée si « la maison bleue adossée à la colline » existait bel et bien et si les rues sont encore emplies du parfum mythique de « tous les hippies de San Francisco, plein d’amour brûlant dans leurs yeux ».

14 novembre 2021. Les roues de l’avion entrent en contact avec la piste unique de l’aéroport de Sao Pedro sur l’île de Sao Vicente, une des 10 îles du Cap Vert.
L’avion est bondé. Comme le mien l’était en mars 2020 de retour d’Ethiopie. Et pour cause les opérations de rapatriement transformaient l’aéroport d’Addis Abbeba en ruches bourdonnantes. Les avions étaient pris d’assaut. Le virus entamait sa course mortelle autour du globe. Depuis, l’Ethiopie est le théâtre d’une guerre civile meurtrière dans la région Nord où je randonnais. Depuis je pense souvent à ceux que j’ai pu croisés ou rencontrés ? Que deviennent-ils ?

Ce dicton résume à lui seul cette ville.
Dressée le long du Guadalquivir, sa situation stratégique lui a permit d'être une ville puissante et riche. Grâce à son histoire, Séville a hérité d'un passé arabe et quelques siècles plus tard, elle fut également le principal port de commerce en Europe vers les Amériques au temps de la conquête espagnole.

Mai 2010
Passer de la climatisation de l’avion à un bain de chaleur voilà le premier contact avec le Vietnam et sa capitale Hanoï. En ce début d’après-midi il fait 40°. Commence notre périple de 15 jours du Nord au Sud.
Cette année 2010 Hanoï fête ses mille ans. L’empereur Ly Thai Tô en 1010, au septième mois lunaire, fonda ce qui allait devenir Hanoï. La vue d’un dragon surgissant du ciel, heureux présage selon lui, l’incita à faire du lieu sa capitale « Thang Long » la ville du dragon qui s’élève.

Mai 2016. Madame et moi décidons de visiter l’île de Madère située à une portée d’heures de l’hexagone.
L’envie me tenaillait depuis plusieurs années de fouler cette étonnante île volcanique accueillante aux amoureux ou aux passionnés des fleurs, de la nature sauvage, des randonnées pédestres le long des levadas.

Nous sommes le mercredi 4 avril 2017. C’est jour de Galungan.

Lundi 27 novembre 2017
Depuis 7 heures du matin, assis en plein vent à l’arrière de notre bateau sur un fauteuil en bambou, je contemple le sillage qui strie les eaux du fleuve mythique et nourricier du Myanmar, l’Irrawaddy. Il fait froid. Un brouillard digne des brumes du plat pays cher à Jacques Brel nous accompagne depuis le départ de Mandalay. Il nimbe le large et vaste fleuve d’une atmosphère à même de susciter en nous des vapeurs nostalgiques ou romantiques. Par le travers, apparaît une embarcation chargée à ras bord de birmans comme une ombre fantomatique ou un banc de poissons filant sous le nez du plongeur en apnée.